Une urgence : la consolidation des peintures murales de la nef
3 mois après le début du chantier, il est apparu urgent d’effectuer les consolidations requises sur les peintures de la nef, directement impactées par les travaux à venir.
En effet, la restitution de la couverture de la nef nécessitera le montage d’échafaudages, le maniement de matériaux lourds et l’usage d’eau.
La voûte en berceau brisé de l’église Saint-Sauveur s’est effondrée en 1956, abandonnant le bâtiment aux intempéries et à sa lente dégradation. L’abside a subi de nombreux préjudices avec trois colonnes sur quatre arrachées sur les murs intérieurs et une toiture lacunaire et herborisée.
On observe cependant encore la présence de décors peints qui méritent que l’on s’y attarde, notamment un faux appareillage rouge sur fond blanc dans le chœur et sur les quatre murs de la nef.
Diagnostic de l’état de conservation du décor de faux joints
Il a été demandé à Madame Claire Delhumeau, restauratrice de décors peints diplômée IFROA-INP, de réaliser une rapide étude stratigraphique des décors et d’effectuer les consolidations d’urgence sur les enduits peints.
Ce faux appareillage est un motif décoratif très courant dans les églises durant la période médiévale. Son intérêt n’est pas à négliger car il donne tout son caractère à l’intérieur de l’édifice.
Analyse stratigraphique succincte : 8 couches successives d’enduits ou détrempes
Le décor de faux joints est la 3ème couche revêtant la maçonnerie de moellons, pour les murs, et de pierres de taille (arcs et angles), après un enduit de chaux et sable ocre, jeté-lissé, d’aspect grossier mais en assez bon état de conservation, malgré quelques déplacages ponctuels (1ère couche) et un enduit de chaux et sable gris d’un demi centimètre d’épaisseur environ, présentant des fissures et lacunes importantes (2ème couche).
Au-dessus du décor de faux joints généralisé, avec présence de calligraphie sur le mur Est et d’un décor sur l’arc triomphal, on trouve par endroits un enduit de bouchage ou de ragréage ponctuel (4ème couche), une couche de badigeon en chaux ou plâtre, fragile et lacunaire (5ème couche), préparation supposée à une couche unie orangée (6ème couche), et une dernière couche orangée plus foncée (7ème couche), toutes deux très fragiles, usées et lacunaires. Des bouchages ponctuels d’enduit peu respirant ont enfin été effectués par endroits (8ème couche).
Le décor de faux joints rouges sur fond blanc devait recouvrir initialement toutes les surfaces de la nef, corniche et voûte comprises ainsi que les murs et la voûte du chœur car on trouve des fragments dans toutes ces zones. Les faux joints sont peints à l’ocre rouge sur badigeon de chaux (présence de cordage). L’ensemble est d’une facture peu appliquée tant dans le passage du badigeon, que par le tracé des faux joints, réalisés à main levée avec des mesures très aléatoires.
Etat de conservation du décor de faux joints
La stratigraphie de la couche 3, constitué par le décor de faux joints généralisé, est énigmatique car le mur Est dans sa partie basse (à 2m de haut) présente une superposition de décors sans couche intermédiaire de préparation. Les faux joints reposent sur des éléments calligraphiés de taille importante mais difficiles à déchiffrer. On note la présence de doubles traits horizontaux et verticaux qui pourraient être un faux encadrement. L’enlèvement des couches orangées postérieures permettrait d’avoir plus d’éléments, mais actuellement celles-ci protègent la couche picturale.
On peut observer sur le départ de l’arc triomphal un motif de « pompon » qui s’inscrit dans une frise soulignant l’arc.
Certains faux joints sont plus foncés que d’autres, sans doute plus concentrés en pigment ou moins altérés par les éléments extérieurs. La facture générale du décor montre qu’il a été exécuté rapidement et peut être par plusieurs mains. La présence de ce décor sur le mur occidental prouve que son exécution est contemporaine ou juste postérieure à la transformation du chœur. Mais l’époque de construction du mur Ouest est elle-même difficile à dater.
Les schémas ci-contre présentent les surfaces de décor de faux appareillage qui demeurent en place.
Le mur occidental est celui dont la surface peinte est la moins lacunaire mais il est le plus touché par la présence de moisissures dues au ruissèlement des eaux de pluie.
Celles-ci sont notables également sur les murs Nord et Sud.
Les enduits peints du mur Est, quant à eux, présentent une grande fragilité d’adhésion au support ce qui explique leur état lacunaire et les nombreuses reprises d’enduit postérieur.
Ils nécessiteront dans l’avenir de nombreuses injections de consolidant.
On peut remarquer la présence des faux joints sur la corniche et sur la voûte. Sur ces zones, le décor repose sur un simple badigeon.
Quelques sondages sonores effectués sur les surfaces peintes de la nef ont permis de constater à quel point les décors sont déplaqués de leur support et donc potentiellement fragiles.
Dessins : © Claire Delhumeau
Observations et interventions réalisées
En prévision des travaux de réfection de la voûte de la nef, des consolidations ont été en priorité effectuées sur les parois de la nef.
Pour ce faire, des solins d’enduit sont posés sur les bords écorchés des enduits peints pour éviter les infiltrations éventuelles d’eau mais aussi pour limiter les fuites de coulis lors des injections de consolidant qui seront pratiquées ultérieurement.
Ces injections de coulis sont faites pour combler les vides et redonner une bonne adhésion des peintures à leur support. L’adhésion des enduits peints au support a été renforcée mais vu l’importance des solins à réaliser, les injections de consolidant n’ont pas encore pu être effectuées.
Photos : © Claire Dehumeau
Cette première intervention, loin d’être exhaustive, a été réalisée in situ pendant cinq jours et constitue un premier pas dans le sauvetage de cet ensemble peint
Le texte de cet article, les dessins et plusieurs photographies sont extraits du rapport d’étude « Consolidations d’urgence des décors situés dans la nef de l’église st Sauveur du Château de Roquemartine à EYGUIERES (13) » de Madame Claire Delhumeau, août 2023.
Claire Delhumeau collabore souvent avec d’autres artisans du patrimoine bâti sous la houlette d’architectes du patrimoine. Elle réalise des sondages en recherche de décor (archéologie du bâti), intervient dans la conservation de décors in situ, de la consolidation d’enduits peints au refixage des couches picturales. Son travail de restauration permet d’harmoniser et de mettre en valeur des peintures murales, qu’ils s’agissent du traitement coloré des lacunes ou de la réintégration picturale.
Claire Delhumeau a débuté sa formation aux Beaux-Arts d’Aix-en-Provence avant d’intégrer l’école d’Arts appliqués Duperré à Paris, puis l’Institut Français de Restauration des Œuvres d’art devenu Institut National du Patrimoine en 2001, dont elle est diplômée.